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Confiance est brisée

par Léa Claivaz

Enfant, tu m’as arrosée de tes succès. J’ai pu grandir et grandir encore. Parfois tu m’as donnée, parfois tu m’as reprise et tu m’as parfois gardée. Souvent les gens essayaient de me faire décroître, mais tu ne m’as jamais laissée tomber. Toutes les deux, nous grandissions, malgré les intempéries, les déceptions, les cons. Tu séchais tes larmes et je continuais de fleurir.

Mais vint ce jour où l’on m’a arrachée. Toi tu ne voulais pas me donner, mais il m’a prise malgré tes efforts. Il te faisait sentir mauvaise, sans valeur et je rapetissais. Petit à petit, il me brisait et je ne pouvais plus rien pour toi. Sans moi, tu ne savais plus qui tu étais, tu ne savais plus qui croire, tu pensais que tous te voulaient du mal, sauf lui. Sans moi, tu essayais de devenir quelqu’un qui ne te ressemblait en rien. Sans moi tu étais perdue. Il ne te restait plus que sa Confiance qui nous écrasait. Tu n’étais plus que l’ombre de son désir. J’essayais de te faire comprendre qu’il n’était qu’un parasite pour toi, mais ma voix tant épuisée ne parvenait jusqu’à tes oreilles.

Mais vint ce jour où tu entendis mon murmure, pourtant si faible, mais tu avais tant besoin de moi que je ne pouvais te laisser. Tu le saisis et tu te rebellas. Tu recommenças à porter ce qu’il te plaisait. Tu recommenças à sourire, pour de vrai. Tu renouas des liens encore plus forts avec tes amis. Et malgré les humiliations, la pression, les cris et les molards de ton bourreau, tu recommenças à garder la tête haute. Je te retrouvais enfin. Comme je reprenais de plus en plus de place, ton amant ne le supporta point et décida de t’abandonner. Il était persuadé que cela t’anéantirait, mais tu te sentis libre, comme si après avoir été en apnée pendant des années, tu respirais à nouveau.

Nous avions gagné, enfin presque, cet enfoiré m’avait laissé tant de cicatrices que je ne pouvais toutes les panser et toi tu souffrais. Malgré ta renaissance, tu n’avais plus Confiance, tu ne te trouvais plus désirable, tu ne savais plus qui croire et tes résultats scolaires n’étaient pas dignes de toi. J’essayais tant bien que mal de te tirer vers le haut, mais nous étions brisées. Tu avais tant peur que cela recommence, tu ne voulais plus jamais que l’on me kidnappe ainsi.

Encore aujourd’hui je te fais défaut, tu ne crois toujours pas que tu vailles la peine, mais sache que cela n’est pas vrai. Même si tu caches cela sous ton tempérament de clown, je sais ce que tu penses et j’en suis désolée. Je m’en vais soigner nos dernières plaies, pour qu’enfin, nous soyons fortes. Pour que plus personne ne se mette en travers de notre chemin et que tu puisses enfin te rendre compte que l’autre n’est pas toujours mauvais. Pour qu’enfin tu puisses répondre un « merci » sincère aux compliments qui te sont faits. Pour qu’enfin tu te rendes compte de ta vraie valeur.

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